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De l'usage des Tags (3) - Implications pratiques pour la conception des futures applications 2.0 de l'Entreprise

26 Décembre 2008 , Rédigé par Tecoman Publié dans #Mgt - Grands principes

Après avoir fait un constat pratique sur l'utilisation des tags par les veilleurs, puis tenté une synthèse de la différence entre différents types de tags, ainsi que de leurs avantages et incovénients , le troisième volet de cette série d'articles dédiée aux tags va tenter d'exposer les problématiques qui peuvent se poser aux concepteurs de solutions logicielles d'entreprise, en particulier pour la gestion de la documentation et de la connaissance.


Question N°1 : Jusqu'où et comment transformer les usages et les outils en entreprise ?

"A l’inverse de ce que notre génération a pu connaître, lorsque l’entreprise représentait un véritable eldorado mettant à notre disposition des outils et du matériel auxquels nous n’aurions pu prétendre à l’époque, force est de reconnaître qu’aujourd’hui, à tous les points de vue, le monde d’entreprise ressemble à Jurassic Park par rapport à tous les outils dont je peux bénéficier dans ma sphère privée " (Bertrand Duperrin)


Comme le précisait Louis Naugès il y a quelques jours, l'Entreprise peut adopter trois stratégies pour gérer l'arrivée des Digital Natifs (ou Génération Y) et de leurs outils :


"1- Leur demander de s’adapter aux pratiques et aux outils des tribus anciennes, les vôtres. A la première opportunité, ils quitteront ces rives inhospitalières et vous laisseront transformer, progressivement, votre entreprise en résidence du troisième age.

2- Les ignorer, mais leur donner les “joujoux” qu’ils réclament, chat, accès ouvert à Facebook et YouTube (Que vous considérez comme des gadgets sans valeur professionnelle). Il se créera un espace de “cohabitation”, plus ou moins pacifique, entre deux mondes qui s’ignorent ; dommage !

Ces deux démarches sont, à long terme, suicidaires pour les entreprises qui vont se couper du monde de demain et d’un sang frais indispensable à leur renouvellement et à leur survie.
"

La 3ème méthode suggérée par Louis Naugès consiste à favoriser l'arrivée des nouveaux usages et outils en demandant à ces Digital Natives de les mettre en oeuvre et de former leurs ainés à leur utilisation, ce qui amènera ces jeunes à découvrir au passage les arcanes de l'entreprise (qu'ils ignorent quasi totalement) et que les ainés ont aussi quelques compétences intéressantes à considérer... 


Un avis similaire de Frédéric Soussin (Via B Duperrin) :


Je cite Louis Naugès car cela me semble faire un écho approprié à la réflexion suivante : dans un contexte qui n'a jamais connu qu'une organisation structurée de l'information (avec les avantages et les défauts que cela peut induire), comment et jusqu'où aller pour mettre en oeuvre des solutions innovantes, pour ne pas dire révolutionnaires ? Comment éviter le rejet et favoriser l'appropriation, en adoptant néanmoins un rythme d'évolution technologique permettant de rattraper rapidement le retard que l'entreprise a pris sur les usages des individus ?


La question en me semble pas neutre, car elle conditionne la conception (et la gestion du changement associée) de tous les outils que l'entreprise va construire ou acheter à partir de maintenant.



Extrait d'une étude récente publiée par Accenture, où l'on voit le gap qui existe entre les usages traditionnels et ceux attendus par les nouvelles générations :


Pour aller plus loin, Bertrand Duperrin écrit quelque chose d'intéressant à propos des outils :


"Les outils qui, à mon sens, sont les plus efficaces sont ceux que je n’ai pas l’impression d’utiliser, dont l’utilisation s’efface derrière ce qu’ils permettent, qui sont donc le prolongement naturel de mon activité. Pour la simple et bonne raison que si on a bien travaillé sur les deux points que je citais précédemment ils ne nécessitent aucun effort, donc aucune perte de temps, aucune dépense d’énergie et d’attention inutile et me facilitent donc la tâche plutôt que de la compliquer.

Remarquez que cela a été vrai de tout temps, de la machine à outil utilisée en usine aux outils de communication plus informels en passant par les logiciels “lourds” de type ERP… Je signale à cet effet qu’un des freins au bon renseignement, par exemple, d’un CRM ou d’un logiciel de gestion des temps n’est jamais tant le refus du but que le caractère disproportionné de l’effort nécessaire pour une tâche finalement simple.

On se sert des outils pour effectuer une tâche. Si leur utilisation représente une tâche en tant que telle on surajoute une tâche et on gaspille donc des ressources.

• Au niveau du design de l’outil : plus les choses sont évidentes et ergonomiques moins le besoin en formation est important, moins l’outil sera refusé.

• Au niveau du design du travail et de l’alignement : faire changer la manière de travailler des collaborateurs pour faire utiliser un outil est stupide. C’est à l’outil de s’adapter à la manière dont les gens travaillent. Bien sur l’outil peut être un accélérateur de changement si on veut en profiter pour faire évoluer le travail, mais quoiqu’il en soit c’est la manière dont on veut que les gens travaillent qui détermine l’outil et non l’inverse."


et il ajoute :

"Tout cela est loin d’être trivial à l’heure où l’on cherche des outils permettant de rendre le travailleur du savoir plus productif et efficace. Les outils classiques ne sont pas adaptés ce qui fait leur utilisation, loin d’être facilitatrice de quoi que ce soit est une perte réelle d’énergie et de temps pour eux. Donc pour l’entreprise. Et pourquoi donc ? Parce que pour des personnes utilisant principalement leur matière grise et traitant la matière première, l’information, sous forme de flux, le fait que l’outil soit le prolongement naturel de leur manière d’agir et de penser est plus important que jamais. Ils détestent l’email ? Normal, il fragmente l’information et transforme un flux régulier en saccades. Je suis loin d’être addict aux outils mais je me dois de reconnaître que les outils dits “web 2.0″ ont cet avantage qu’ils rendent les choses tellement naturelles et intuitives sur le travail des flux d’information que leurs fonctionnalités s’effacent souvent au profit des usages et du résultat qu’ils permettent. C’est flagrant dans les discussions : leurs utilisateurs parlent de faire là où les utilisateurs de produits traditionnels parlent d’utiliser. Les premiers ont oublié la technologie, non qu’elle soit absente mais parce qu’elle est à sa place et facilite sans bloquer. Pour les seconds elle est souvent vue comme un frein, un facteur de complexité. CQFD"


Et c'est Internet Actu qui nous propose un éclairage et un axe de réflexion complémentaire :

"Le focus sur le bureau va nous faire passer de l’ère de l’information à celle de l’attention. “Comme notre vie numérique a évolué de nos vieux bureaux démodés à nos environnements web centrés sur les navigateurs, nous allons passer d’une organisation spatiale de l’information (répertoires, dossiers, bureaux…) à une organisation temporelle (flux, lignes de temps, microblogs, …). Le web est en évolution constante et le plus grand défi n’est plus de trouver l’information, mais de la garder par-devers soi.” Et d’expliquer que le bureau du futur a pour but de nous aider à mieux gérer la surcharge informationnelle - “qui est dû en grande partie à ce changement”. “L”interface sera adaptée pour aider l’utilisateur à comprendre quelles sont les tendances plutôt que de savoir comment les choses sont organisées.”

Il semble que nous sommes à une étape de transition :
- d'un coté des applications et les intranets traditionnels et parfois complexes, qui prennent souvent peu l'utilisateur en considération au profit de l'organisation, et où l'utilisateur tend de plus en plus à se noyer dans une information à la fois pléthorique (qui double tous les 9 mois), qu'il sait de moins en moins retrouver et exploiter. Au final, les cas sont innombrables d'outils, d'intranets et de contenus délaissés, abandonnés, malgré une débauche d'énergie managériale pour y faire revenir les collaborateurs.

- de l'autre une nouvelle génération (Y), qui arrive avec de nouvelles approches, de nouveaux outils, et qui espère que l'entreprise va leur offrir des moyens et des outils conforment à leurs habitudes (en oubliant parfois quelques contraintes vitales de fonctionnement des Organisations).

S'il n'est ni possible si souhaitable de passer d'un bord à l'autre spontanément, les entreprises se doivent de se préparer au changement de culture qui va déferler inéluctablement (du simple fait du renouvellement des générations), tout en tirant le meilleur parti des nouvelles approches issues du web, afin d'en tirer un maximum de valeur.

Dans ce contexte, les solutions qui seront désormais développées au sein des DSI, ou acquises à l'extérieur, me semblent devoir nécessairement intégrer un certain nombre de principes "2.0" qui permettront de favoriser la gestion du changement en douceur.

Question N°2 : Jusqu'où et comment pousser la gestion des tags en entreprise ?

Le sujet qui nous occupe ici concerne la mise en oeuvre des Tags en entreprise, mais nous aurions pu étendre la réflexion aux Flux RSS, aux réseaux sociaux, etc...


Passer d'une organisation structurée et arborescente de l'information à une organisation "plate" implique une réflexion spécifique, surtout si la réflexion a lieu au sein de l'Organisation plutôt que chez un éditeur. En effet, l'éditeur pourra choisir de cibler des besoins très spécifiques, telle la veille par exemple, sans assumer le poids de l'existant de l'entreprise au sens large. A contrario, l'Entreprise qui décide de refondre ses solutions par du développement interne ou l'acquisition de solutions externes, devra définir ses besoins en tenant compte de la résistance possible voire probable qu'elle devra affronter lors de la mise en oeuvre des innovations les plus révolutionnaires et/ou radicales.


Et il est à prévoir que ce changement sera effectivement radical pour les nombreux utilisateurs de Sharepoint (logique de répertoires arborescents), de Lotus Notes (logique de catégories arborescentes), ou des bons vieux serveurs de fichiers (logique de répertoires physiques arborescents) à propos desquels je dis souvent qu'ils constituent le principal frein au déploiement des intranets 2.0 : plein de défauts, mais si simples à utiliser et si bien maîtrisés par les utilisateurs du fait de cette simplicité, qu'ils en sont indémontables.


Aujourd'hui, pour gérer ce passage, j'ai donc le sentiment que les solutions de transition devront pouvoir gérer le meilleur des deux mondes, quitte à considérer momentanément si besoin les tags comme des catégories ou des répertoires, afin d'avoir la souplesse nécessaire pour passer d'un usage à l'autre en fonction des besoins, des communautés, et de leur maturité. Seules les solutions Editeurs pourront s'offrir le luxe de camper sur une position radicale, mais cela leur fermera encore les portes de certains besoins et de certaines communautés pas assez préparées (ce qui n'a rien de choquant par ailleurs).


Question N°3 : Quels concepts adopter & leurs impacts sur la navigation

 

Vus de l'utilisateur, les tags se traduisent par un ou plusieurs nuages de tags servant à la navigation. La problématique soulevée ici est plus largement liée aux choix qu'il convient de faire pour les mettre en oeuvre.

Par exemple, envisagez donc l'affichage d'un nuage de 4000 tags comme celui-ci... un challenge !

Comme je n'ai pas ici la place d'afficher le Mind Map que je me suis amusé à faire pour cartographier ces différentes problématiques, en voici un échantillon :
- Faut-il afficher un ou deux nuages de Tags ? Quelle est leur disposition respective idéale dans l'interface ?
- Ces nuages seront-ils idéalement sous forme de nuage ou de liste linéaire ?
- Faut-il ou pas jouer sur les tailles et les couleurs de caractères pour mettre certains tags en exergue ?
- La restriction paramétrable des nuages de tags aux tags les plus utilisés a t-elle un sens ?
- Faut-il permettre les Folksonomies ou seulement les Taxonomies ? ou les deux ?
- Faut-il prévoir de partager la Taxonomie locale avec une Taxonomie plus globale et transverse ?
- Quel est le processus de création de tags le plus adapté ?
- Qui peut administrer quoi ?
- ...

Les solutions du marché explorent toujours ces différentes facettes, et il y a presque autant de réponses que d'éditeurs. Voilà un champ d'investigation passionnant en raison des changements que cela peut permettre apporter en entreprise dans la recherche d'information, associée aux flux RSS.


Par Fabrice Poiraud-Lambert


Lire aussi :
-
De l'usage des Tags (4) : Différentes présentations
- De l'usage des Tags (2) - Taxonomies, Folksonomies & Arborescences hiérarchiques
- De l'usage des Tags (1) - Etude de l'usage de 131 veilleurs
- Delicious : l'indispensable compagnon du Veilleur !
- Nuages de Tags : pour simplifier la navigation et la gestion documentaire
- [Test] Personall : une solution (française) de Wiki-Portail web personnalisable
- [Test] Knowledge Plaza : La solution de veille collaborative 2.0 pour l'Entreprise
- Folksonomy : les tags en délire
- Folksonomies: power to the people
- Louis Naugès: Digital Natifs en entreprise, des opportunités en or ?
- Je suis plus productif en me débarassant des outils que j’utilise
- La prise de pouvoir des techno-populistes…chez Unilever, GE, et demain chez vous ?
- Le Webtop : le Desktop organisé par le web
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D
merci beaucoup pour cette très intéressante série sur les tags qui pose très bien la question de cet usage en le documentant ;-)<br /> <br /> comme c'est la cas dans les taxonomies, nous devons tolérer des imperfections et inconvénients de la part des folksonomies pour bénéficier de leurs avantages indéniables.<br /> <br /> comme souvent, ce n'est pas dans la majorité des cas l'un contre l'autre ou l'un remplacant l'autre, mais plutot une certaine coexistence à dosage variable pour proposer une solution d'usage plus pertinent aux knowledge workers.<br /> <br /> enfin, je crois qu'il y a un lien dynamique d'enrichissement entre la taxonomie 'd'entreprise" et folksonomies des utilisateurs, ce dernier alimentant l'autre.<br /> <br /> Des fonctionnalités à trouver dans les futures applications techno et du travail de gouvernance pour les "documentalistes" du précédent millénaire.
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